Le 17 octobre 2016, j’ai eu l’honneur d’être convié à Séoul à la réunion franco-coréenne dédiée à la recherche et à l’innovation, organisée à l’occasion du 130ᵉ anniversaire de l’établissement de nos relations diplomatiques bilatérales.1 Bien au-delà d’une simple commémoration protocolaire, cette rencontre visait à poser les bases d’une coopération scientifique renouvelée, apte à répondre aux défis sociétaux et technologiques du XXIᵉ siècle.2

Dans son allocution inaugurale, Son Excellence Fabien PENONE, ambassadeur de France en Corée, a souligné l’accroissement spectaculaire du nombre de thèses franco-coréennes, multiplié par cinq en dix ans. Il a insisté sur le double enjeu de cet essor : non seulement renforcer quantitativement le vivier des jeunes chercheures formées simultanément dans nos deux pays, mais aussi nourrir qualitativement un dialogue intellectuel durable, fondé sur l’échange de méthodes et de cultures scientifiques.

Poursuivant cette introduction, M. Yang-Hee CHOI, ministre des Sciences, des Technologies de l’Information et du Futur, a présenté la coopération bilatérale comme un moteur incontournable de la « quatrième révolution industrielle ». Il a plaidé pour la mise en place d’infrastructures de recherche partagées – plateformes de calcul à haute performance, bancs d’essai interopérables – et pour l’élaboration d’un cadre réglementaire binational garantissant l’éthique de l’intelligence artificielle, la souveraineté des données et la protection des droits fondamentaux.

Mme Christine CLERICI, présidente de l’Université Paris Diderot, a quant à elle dressé le panorama des quelque 450 conventions universitaires déjà signées entre la France et la Corée. Elle a préconisé de les faire évoluer vers des écoles doctorales thématiques communes, des cursus de double diplôme intégrant des stages industriels et des immersions culturelles, et une codirection de thèses visant à consolider l’interdisciplinarité et l’ouverture internationale de nos laboratoires.

M. Thierry VALENTIN, directeur général adjoint de Campus France, a détaillé les mécanismes de soutien aux mobilités académiques et scientifiques au travers des programmes Bio-Asie et Hubert CURIEN. Il a mis en exergue l’efficacité des ateliers itinérants, véritables laboratoires de co-création où se confrontent approches fondamentales et applications industrielles, favorisant l’émergence de consortiums mixtes à long terme.

La session scientifique s’est ouverte avec la présentation du Plan génomique 2025 par Thierry DAMERVAL, directeur général délégué de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale. Il a exposé la feuille de route visant à démocratiser le séquençage haut débit, à structurer des plateformes bio-informatiques binationales et à garantir la traçabilité et la confidentialité des données génomiques. Le professeur Sang-Kyun CHA, directeur de l’Institut des mégadonnées de l’Université nationale de Séoul, a ensuite développé les enjeux méthodologiques et éthiques liés à l’exploitation des big data, insistant sur la nécessité de standards ouverts pour assurer interopérabilité et reproductibilité. Enfin, Carlo MASSOBRIO, directeur adjoint de l’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg, a présenté les dernières avancées dans le domaine des nouveaux matériaux et des nanotechnologies, soulignant l’importance d’un continuum recherche-industrie pour accélérer le transfert de prototypes vers des applications concrètes.

L’après-midi, trois tables rondes ont réuni plus d’une centaine d’expertes autour des thèmes « Les grands projets de recherche scientifique et leur gouvernance bilatérale », « La promotion et la structuration de la coopération scientifique franco-coréenne » et « L’innovation comme enjeu partagé : capitalisation des savoir-faire et retours d’expérience ». Les participantes ont recommandé la création de laboratoires mixtes pérennes, l’harmonisation des équipements de pointe et la mise en place d’un comité d’éthique scientifique franco-coréen pour encadrer les recherches sensibles (génomique, intelligence artificielle, nanomédecine).

La conférence de clôture, confiée à Jean-Pierre BOURGUIGNON, professeur à l’Institut des Hautes Études Scientifiques, a offert une réflexion critique sur les enjeux internationaux de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il a plaidé pour une diplomatie scientifique pragmatique, fondée sur la transparence, la mobilité ouverte et la diffusion rapide des connaissances.

Depuis la signature, en avril 1981, de l’accord-cadre de coopération scientifique et technologique, la relation scientifique franco-coréenne n’a cessé de se renforcer. La création en 2002 d’une commission mixte, alternant réunions à Paris et à Séoul, a permis d’ajuster régulièrement nos priorités : en novembre 2013, les chefs d’État ont réaffirmé leur volonté d’intensifier les collaborations dans l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. La dernière commission, tenue à Paris en avril 2016, a identifié six axes stratégiques pour les années à venir : nouveaux matériaux et nanotechnologies ; sciences de la vie et biotechnologies ; santé et économie du vieillissement ; sciences et technologies de l’information et de la communication ; aéronautique et espace ; environnement, climat et océanographie.

En tant que co-investigateur principal du programme Hubert CURIEN, je formule le vœu que ces efforts conjoints, portés par des financements pérennes et une vision transdisciplinaire, continuent de favoriser l’émergence d’innovations à fort impact et d’un modèle de recherche interculturel, capable de relever les enjeux sociaux, économiques et environnementaux du XXIᵉ siècle.

https://doi.org/10.5051/jpis.2016.46.5.289